Les « bons baisers de Russie » des Amis de l’Humanité

Le Comité local des Amis de l’Huma à Moscou a été lancé officiellement, mardi 30 mai 2017, dans la capitale russe. Une grande première pour notre association !

Même dans leurs rêves les plus fous, aussi loin que remontent les souvenirs partagés, jamais les dirigeants des Amis de l’Humanité n’auraient imaginé semblable scénario. Non, jamais dans notre histoire, malgré le chemin parcouru en ampleur depuis notre création en 1996, je n’aurai cru un jour prendre un avion, franchir par les airs quelques 2900 kilomètres et me retrouver en Russie non comme journaliste mais bien comme secrétaire national des Amis de l’Humanité, reçu es-qualité – avec les honneurs et l’attention du cœur qui en témoignent – pour le lancement officiel d’un Comité local : celui de Moscou !

Vous avez bien lu. Pour la première fois, un Comité local des Amis a été créé au-delà des frontières de notre vieux pays, prenant d’assaut la visée jaurésienne de notre fondateur : l’humanité, toute l’humanité, est notre destin. Et comme un pied de nez à l’Histoire – celle du XXe siècle –, le mérite en revient à nos amis russes. Qui l’eut cru ? Soyons d’ailleurs précis et rendons aux héritiers de Lénine ce qui leur appartiennent : l’intégralité de ce mérite revient à une femme, Olesya Orlenko, la créatrice moscovite de ce Comité unique au monde, qui, par sa volonté, son acharnement, son intelligence et sa connaissance quasi parfaite de notre langue (elle a étudié en France) a réussi ce tour de force aussi improbable qu’extraordinaire. Si la vocation philosophique des Amis a toujours été de promouvoir les valeurs vivantes de Jean Jaurès et l’existence de son journal bien au-delà de lui, et si nous savions, bien sûr, que l’héritage ainsi assumé essaimait bien au-delà du strict cadre de nos réunions publiques, nous sommes heureux, aujourd’hui, de compter des Russes parmi nous, des Russes eux-mêmes fiers du regard attendri qu’ils portent sur la France et sur notre journal, l’Humanité, qu’ils chérissent sincèrement.

En témoigne la réunion de lancement du Comité de Moscou, qui s’est déroulée à l’université d’État des sciences humaines de Russie (RGGU), mardi 30 mai 2017. Dans son intervention, Olesya Orlenko a longuement expliqué les raisons qui l’ont poussée à imaginer qu’un Comité des Amis pouvait voir le jour à Moscou. D’abord une évidence : la longue amitié franco-russe passe les temps et les régimes, quels qu’ils soient, et quand cette amitié se double des valeurs progressistes que nous partageons par-delà les frontières, il n’y avait aucun frein à une telle initiative. Ensuite, Olesya a exprimé au nom de tous un besoin si puissant qu’il devait trouver un débouché concret : de nombreux Russes ont soif de savoir et veulent comprendre la situation française et russe autrement que par le truchement de la presse de leur pays ou par les articles de la presse française sélectionnée arbitrairement par les réseaux sociaux. D’où leur immense intérêt pour l’Humanité !

La traduction concrète est déjà à l’œuvre, puisque depuis quelques semaines le site en russe des Amis de l’Humanité de Moscou traduit régulièrement des articles de l’Huma, que ceux-ci traitent de la Russie ou de la France. « Pour nous, c’est une sorte d’événement éditorial qu’on nous propose », a raconté par exemple Farid Mamedov, rédacteur du site internet Communist.ru, précisant qu’il s’agissait pour lui d’« un nouveau regard » à la fois sur son pays et sur le nôtre. Tous ont ainsi reconnu le caractère enrichissant de cette initiative, qui aura bientôt des déclinaisons françaises. L’équipe des Amis de Moscou a en effet accepté de traduire dans la langue de Molière des articles de la presse russe que nous publierons (d’ici octobre 2017) sur le site des Amis de l’Humanité en France, puis sur le site de l’Humanité dans un second temps.

Je ne cacherais pas que, lors de la présentation du Comité de Moscou à l’université d’État des sciences humaines de Russie, j’ai été fasciné par l’écoute des Russes présents, de leur bienveillance à l’endroit des Français et de mon journal, sans parler de leur intérêt pour la situation politique d’un pays qui vient d’élire Emmanuel Macron. Au cours d’un échange qui dura plus de deux heures, la journaliste française, Marie-Stéphane Guy, et moi-même, avons été interrogés sur ce « moment français » si particulier, sur l’ampleur de la crise économique et sociale, sur les réels espoirs de recomposition à gauche depuis le formidable score réalisé par Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, sur l’extrême droite et les dangers de l’omniprésence de Marine Le Pen, mais également sur la vie de nos concitoyens, sur l’état de la presse et du pluralisme, sur l’ardeur – ou non – de notre débat démocratique, etc. Autant de questionnements qui resteront ancrés dans nos esprits, preuve, si besoin était, que les Russes se passionnent pour la France et montrent une soif de connaissances accrues.

Camaraderie, fraternité, dialogues intellectuels, il n’a rien manqué à ce parcours inaugural et initiatique, rehaussé par l’amitié chaleureuse que nous a témoigné Olesya Orlenko, une habituée de la France qui ne manque jamais une occasion, à chacune de ses visites, de raconter aux Français les soubresauts de la société russe.

Les Russes qui nous ont accueillis doivent le savoir : ils nous ont réconfortés. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre reconnaissance infinie pour ce séjour. Un séjour mâtiné, comme il se doit, de belles réceptions culinaires et de quelques visites incontournables. Ce fut pour moi un voyage officiel, en quelque sorte, qui en appellera d’autres en retour. Mais un voyage inoubliable, assurément, à la rencontre de personnes formidables et de grande Humanité. A plusieurs reprises, je me suis pris à penser que Jean Jaurès était là, parmi nous, que son ombre tutélaire nous inspirait afin d’inventer un « nouvel horizon » des Amis de l’Humanité. Qu’ajouter à cela ?

Jean-Emmanuel Ducoin,
secrétaire national des Amis de l’Humanité,
rédacteur en chef de l’Humanité