L’assemblée générale 2016 des Amis de l’Humanité

Assemblée générale des Amis de l''humanité 2016

Samedi, l’association des Amis de l’Humanité a tenu son rendez-vous annuel à la Maison des métallos, à Paris. Un moment fort, pour réaffirmer la nécessité du journal dans un monde fou et valider les orientations engagées l’an dernier pour les Amis.

Les Amis, ce besoin d’Humanité

CAROLINE CONSTANT
LUNDI, 18 JANVIER, 2016
IN L’HUMANITÉ

Tous les matins, en ouvrant sa boîte aux lettres, Jean-Luc remercie silencieusement les équipes de l’Humanité. Et angoisse : « Et si un jour je n’avais plus mon journal ? » Ce journal, son utilité, le besoin vital d’étendre son rayonnement, ont justement été les principaux sujets de la vingtième assemblée générale de l’Humanité, qui s’est tenue samedi matin, à la Maison des métallos, à Paris, qui depuis trois ans met gracieusement, dans le cadre d’un partenariat, sa grande salle à disposition de l’association. Les « Amis » ont aussi parlé de l’adoption de nouveaux statuts, en pleine refonte, et des changements d’orientation, entamés l’an dernier, et qui ont permis, dès cette année, de redresser le nombre d’adhérents et les finances de l’association.

« Et si un jour je n’avais plus mon journal? » s’interroge ainsi Jean-Luc. Et les nuages sombres s’amoncellent autour du quotidien de Jaurès. « La situation est difficile, peut-être plus qu’il y a encore un an ou deux », affirme, grave, le secrétaire national des Amis et rédacteur en chef de l’Humanité, Jean-Emmanuel Ducoin, en début de réunion. Et pour cause. Le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, a ainsi révélé qu’entre « les états généraux de la presse initiés par l’ancien président Sarkozy en 2010 et aujourd’hui, on nous a enlevé environ un million par an d’aide publique, soit à peu près le déficit cumulé aujourd’hui par l’Humanité ». Alors, certes, dit-il en substance, « je ne dis pas que tout est bien, et réussi », à l’Humanité. Pourtant, si le journal progresse légèrement, en décembre, la baisse des aides publiques met le quotidien dans une situation alarmante. « L’effort de l’État, qui consiste à nous enlever de l’aide, est un encouragement à non-aide à journal en danger. » Il se souvient avec colère du 7 janvier 2015 : alors que Charb tirait la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois sur la situation de son titre, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, « a trouvé un million d’euros ». « Nos copains venaient de mourir moins de huit heures avant, une colère effroyable m’a pris », s’émeut le directeur de l’Humanité. « Faut-il donc avoir un accident à l’Humanité pour que l’on prenne en compte sa situation ? » s’agace-t-il. Certains lui demandent d’ouvrir le capital du journal pour en régler les problèmes financiers. « Je ne vais pas demander aux journalistes de l’Humanité de faire la promotion d’Orange ou Free ! » s’indigne-t-il. Car le danger est là, devant : la concentration dans de grands groupes qui possèdent « les tuyaux », de Bouygues à SFR, en passant par Orange. Il dénonce la vente de Libération, facilitée par le gouvernement, à Patrick Drahi, la mainmise de Free, via un de ces trois actionnaires, Matthieu Pigasse, sur le Monde, etc.

Or, dans le monde terrible dans lequel nous évoluons, notre métier, c’est « de décrypter, de donner des repères. Sinon, c’est cette phrase dure qui va prendre place : va-t-on nous donner le choix entre les maîtres sorciers qui sont à l’œuvre, en agitant d’un côté le FN et, de l’autre, la menace djihadiste, qui veut nous enfermer dans nos têtes et nos corps ? » Devant la condamnation de ceux de Goodyear, devant l’état d’urgence, la réponse peut-elle être : « Il y a des terroristes à la porte, fermez vos gueules, écoutez la télévision et vous saurez ce qui se passe ? » s’indigne Patrick Le Hyaric. Non, évidemment. Notre époque a besoin de sens. L’Humanité, dans son soutien à Charlie, dans son décryptage des événements en Grèce, dans son analyse de l’état d’urgence, prouve chaque jour son utilité. « Comment pouvons-nous créer une ceinture de protection autour de l’Humanité et comment créons-nous les conditions pour développer la lecture du journal, dans le sens d’un service à rendre pour le mouvement culturel, le mouvement ouvrier, politique et syndical ? » Car, martèle le directeur, dans « ce carrefour, l’Humanité pourrait jouer un rôle beaucoup plus grand, un rôle de transformation sociale et écologique ».

Les Amis ont acquiescé, largement, à ce discours. Ils ont fait le point des initiatives, en province comme à Paris, qui ont rythmé toute l’année 2015. Et ont des tas de projets pour celle à venir, à commencer par la mise en valeur des 80 ans du Front populaire, au printemps, porteur d’espoir social, qui coïncidera avec l’anniversaire de l’association, vingt ans, vingt ans déjà… Les Amis, qui ont changé leur mode de fonctionnement, ont fait le point de leurs activités : des comités se sont ouverts partout en France, et permettent d’ouvrir le débat, d’élargir le rayonnement de l’Humanité avec des artistes, des syndicalistes, des forces progressistes. Un comité parisien est aussi en voie de constitution. Surtout, les Amis ne manquent ni d’idées ni d’énergie : ils veulent aller chercher la jeunesse partout où elle se trouve, chercher des lecteurs… Ils parlent aussi des difficultés financières, des subventions qui se tarissent, pour des raisons politiques… La vivacité des échanges, comme des initiatives, laisse à penser que les virages opérés l’an dernier portent leurs fruits. Pour finir l’assemblée générale, les Amis ont d’ailleurs décidé d’envoyer un message de soutien aux Goodyear. Plus qu’un symbole, un engagement pour une société basée sur l’humanité.

 

Ernest Pignon-Ernest réélu président 

119 Amis étaient présents à l’AG, dès 10 heures (197 nous avaient envoyé un pouvoir). 260 Amis ont assisté au débat de l’après-midi « Palestine : pourquoi la révolte de la génération post-Oslo ? » Ernest Pignon-Ernest, plasticien, est confirmé dans sa fonction de président de l’association. Les présidents d’honneur : Michelle Vovelle, Edmonde Charles-Roux. Les vice-présidents : Daniel Herrero, Axel Kahn, Gérard Mordillat, Colette Privat et Charles Silvestre. Jean-Emmanuel Ducoin, rédacteur chef de l’Humanité, a été réélu secrétaire national, avec comme adjoint Jean-Yves Flaux. Colette Millereux passe la main en tant que trésorière à Claudette Iglesias, avec Annie Berlemont comme adjointe. Josiane Comet continue d’assurer le secrétariat administratif. Un bureau exécutif se réunit plusieurs fois par mois : Annie Berlemont, Dominique Clerval, Marion d’Allard, Farid Diab, Jean-Emmanuel Ducoin, Jean-Yves Flaux, Patrick Heiliger, Claudette Iglesias, Colette Millereux, Dominique Sicot, Charles Silvestre, Pierre Trovel. Une Amie, Anne-Marie Farrenq, quitte le conseil d’administration, une autre vient y prendre sa place : Emmanuelle Simon, scénariste.